Saintes - Combat du 4 septembre 1944 – Témoignage
Mon père était d'origine vendéenne, comme mon épouse, il avait acheté la maison du Clouzy en 1933.
Le dimanche, veille du combat, une colonne allemande, une quinzaine de véhicules était venue sur Saintes mais elle était repartie sur Royan, les Allemands devaient, soi-disant, se ravitailler.
Les Allemands sont revenus à Saintes le jour de foire de septembre, le lundi 4 de ce mois. C'était peut-être l'après-midi.
Vers les 14 heures j'étais parti à la foire, quant à mes parents ils s’y étaient rendus dès le matin. A leur retour de la foire, vers midi, mon père m'avait dit qu'il était inquiet car il venait de voir des F.F.I postés dans le fossé aux abords de la maison noire (Entre la maison noire et l'endroit où sera le monument plus tard).
Aussi il m'avait dit que si les Allemands arrivaient ce serait pour nous, en effet le dos d'âne (de la route) proche de notre maison, faisait que les tirs sur les Allemands seraient pour cette partie de la route, c'est à dire au " Clouzy ".
Concernant les combats, étant resté bloqué en ville, mon père m'en a fait le récit:
….. " Un tir a été entendu en provenance de champ de manœuvres militaires, à ce moment-là mon père dormait dans le pailler.
Alors que le convoi arrivait devant la maison, le premier camion (Un petit camion découvert) a été aussitôt touché, les tirs des F.F.I étaient effectués à hauteur du pare brise. Le premier camion touché a brûlé et il a longtemps pétaradé du fait des munitions qu’il contenait.. Il y avait environ 15 camions.
Des allemands avaient sauté des camions et s'étaient éparpillés aussitôt sans rentrer dans notre maison. Trois ou quatre camions sont restés sur place devenus inutilisables.
C'est alors que mes parents se sont cachés dans une pièce à l'arrière de la maison, entre la cheminée et le mur. Durant ce temps les cinq vaches qui étaient à l'écurie, n'avaient manifesté aucun affolement, ni désir d'aller au champ. Il n'y a pas eu de bruit de chaînes. Un soldat allemand était monté sur notre toit, certainement accolé à notre cheminée et il a tiré assez longtemps en direction de la ville. Mes parents se cachaient toujours dans le coin de la cheminée, des balles traversaient la pièce, ma mère voulait se déplacer pour aller récupérer ses affaires. Ils sont restés dans ce coin de vers 15 h 15 l'après-midi à environ 22 h le soir. Ce sont les F.F.I qui ont sorti mes parents de leur cache, de même qu'ils ont sorti de notre garage la traction qui avait commencé à brûler, en la poussant bien évidemment.
A un moment donné mes parents ont eu très peur car un coup de canon, tiré par les allemands, a pénétré dans la maison, sectionnant un noyer qui se trouvait sur la face ouest de notre celle-ci.
Un dépôt de bois, la scierie " la Charentaise des bois ", située du côté de la ville, vers notre maison n'était pas entourée, aussi des allemands s'étaient cachés derrière les billes de bois et ils tiraient vers la ville. C'est de cette position qu'un de leur tireur faisait feu sur un F.F.I embusqué dans le clocher de St Eutrope.
Notre maison a commencé à brûler alors que mes parents se trouvaient à l'intérieur, elle a continué à brûler après qu'ils en soient sortis. Les deux maisons accolés à notre maison avaient aussi brûlé. Cet incendie avait été déclenché en partie par le camion qui brûlait.
Cette nuit-là j'avais passé ma nuit chez mon oncle Vinet demeurant au " Coudret ".
Le lendemain mes parents, vers les 9 h 00 du matin, ont découvert le champ de bataille autour de leur maison.
Les Allemands avaient perdu des hommes, ainsi devant notre maison il y avait un soldat tué d'une balle en plein front, son casque était à côté de lui percé d'une balle. L'homme était encore habillé. Du fait que les animaux de la ferme s'étaient retrouvés en liberté (A cause de l’incendie) il y avait un cochon qui tournait autour du corps d'un soldat éventré et il a fallu l'en éloigner. Vers ce soldat il y avait les cors de deus autres soldats allemands. En fait il devait y avoir 3 soldats dans le fossé, 2 ou 3 sur la route et 1 dans l'entrée de notre jardin
Par la suite on m'a dit qu'un F.F.I s'était approché à travers les palisse et avait lancé une grenade.
Dans le bout ouest de notre terrain (La pointe) nous avions un gerbier et un pailler (Presque tout consommé pour notre usage) et ils avaient brûlé. Le gerbier était constitué de gerbes en fuseaux avec les grains de blé. Toujours dans cette pointe de notre propriété nous avions 7 ou 8 arbres, des acacias et ils étaient criblés de balles.
De l'autre côté du chemin, derrière notre maison, nous avions des betteraves, celles-ci ont été fauchées par les tirs des F.F. qui étaient embusqués aux petites fenêtres de
Recouvrance.
Notre maison avait complètement brûlé, ainsi que les maisons voisines, il y avait des impacts de balles sur les dépendances et mobiliers s'y trouvant. Par la suite nos animaux avaient été évacués à la " Laurencerie ".
Après ce dramatique événement nous avons été relogés. On nous a relogés dans la maison Gaby, avant dernière maison avant le carrefour de la route de Rétaud.
Cette maison était vide d'occupant du fait du départ des allemands en août 1944. elle avait été réquisitionnée pour loger des officiers allemands.
L'un de ces hommes était médecin et il devait avoir ses fonctions à la maison de retraite (Les allemands y avaient leur infirmerie / hôpital), je me souviens très bien de cet homme vêtu en blanc. Il avait environ la quarantaine et il allait souvent à la chasse à cheval, il revenait souvent avec de bonnes prises.
Ernest Douillard est décédé en mai 2004.
Témoignage de Ernest Douillard (Recueilli en 1995 par Michel Souris)