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28 - Grand banquet du 19 janvier 1765 au Présidial de Saintes - Inédit dans notre moderne musée des Beaux-Arts

Publié le par culture-histoire.over-blog.com

Le fabuleux banquet de Saintes

19 janvier 1765

" Le Présidial - Grand'rue "

Dans la demeure du Président Le Berthon de Bonnemie,

dans ce qui deviendra bien des années plus tard, notre musée des Beaux-arts,

sis dans cette rue devenue rue Victor Hugo.

Un document inédit et révélateur d'un certain mode de vie.

En fait je suis tombé sur cette histoire, alors que je travaillais sur les " Maisons closes " du quartier rue St Michel et de la souche. J'avais alors appris qu'un procureur du Roy, du parlement de Rennes " De Caradeuc de La Chalotais ", exilé à Saintes, sur ordre de Louis XV, avait séjourné dans la rue St Michel, mais surtout au numéro 17 de cette rue où se trouveront plus tard le centre de nos maisons closes, via aussi le " Hollywood Bar " (Maison Fayolle). Mais surtout qu'il avait été invité à un banquet dans le Présidial, son fils (Qui sera guillotiné à Paris en 1794, était-il présent, le récit ne le dit pas.

En fait je suis tombé sur cette histoire, alors que je travaillais sur les " Maisons closes " du quartier rue St Michel et de la souche. J'avais alors appris qu'un procureur du Roy, du parlement de Rennes " De Caradeuc de La Chalotais ", exilé à Saintes, sur ordre de Louis XV, avait séjourné dans la rue St Michel, mais surtout au numéro 17 de cette rue où se trouveront plus tard le centre de nos maisons closes, via aussi le " Hollywood Bar " (Maison Fayolle). Mais surtout qu'il avait été invité à un banquet dans le Présidial, son fils (Qui sera guillotiné à Paris en 1794, était-il présent, le récit ne le dit pas.

28 - Grand banquet du 19 janvier 1765 au Présidial de Saintes - Inédit dans notre moderne musée des Beaux-Arts
28 - Grand banquet du 19 janvier 1765 au Présidial de Saintes - Inédit dans notre moderne musée des Beaux-Arts
28 - Grand banquet du 19 janvier 1765 au Présidial de Saintes - Inédit dans notre moderne musée des Beaux-Arts

 

Le banquet de Saintes « 19 janvier 1765 – Le Présidial »

(Denys d’Aussy – 1834/1895)

Vice président de la Société d’Histoire et d’Archéologie de la Charente Maritime

*

« Dîner de gala à Saintes en 1765, Le Berton de Bonnemie, président au présidial de Saintes, recevant Caradeuc de la Chalotais, procureur général au parlement de Rennes, suite aux démêlés avec le duc d’Aiguillon il avait été exilé à Saintes ».

 

« Au cours d’une séance de la S.H.A.C.M, le baron Oudet a lu un travail de D. D’Aussy, plein de recherches et de forme originale, sur un dîner offert à Caradeuc de La Chalotais, procureur général au parlement de Rennes. Tout est minutieusement décrit : salle, menu, cérémonial, mets, vins, convives et propos. Ce faux bonhomme de La Chalotais est peint de main de maître. Comme trait de mœurs, les convives, après dîner, critiquent l’amphitryon et son repas. C’est d’un comique achevé, et le récit d’Aussy a obtenu un succès très vif ».

«  Le baron Oudet décrit un dîner de gala qui fut donné, il y a juste 130 ans, jour pour jour, à Saintes, en l’hôtel du M. le président du présidial, Le Berton de la Bonnemie, en l’honneur de monsieur le procureur de La Chalotais, un drôle de petit homme, peu ami, en ce qu’il paraît de l’instruction pour le menu peuple. Le conférencier nous fait véritablement assister à ce dîner et à la soirée qui a suivi... »

*

« Le 19 janvier 1765, une grande animation régnait dans l’hôtel habituellement si paisible de M. le baron Le Berton de Bonnemie, conseiller du roi, lieutenant général en la sénéchaussée de Saintonge et président au présidial de Saintes (1). Un groupe d’oisifs stationnait dans la Grand’rue tandis que quelques privilégiés admis dans la cour de l'hôtel considère avec curiosité des silhouettes des serviteurs affairés projetées sur les murs voisins par les fenêtres brillamment illuminées. Dans ce jeu d'ombres et de lumière c'est à qui fera preuve d'une initiation plus ou moins complète aux usages du grand monde en décrivant les objets de forme diverses qui passent tour à tour devant les assistants. Aux deux côtés de la haute porte cochère une bande de gamins salut de ses cris les carrosses amenant les uns après les autres les invités de monsieur le Président. C’est en effet un dîner que donne ce soir le premier magistrat de la sénéchaussée, et au nombre de ses convives figure une illustration contemporaine pour des raisons d'ordre politique au momentanément fait exilé dans les murs de Saintes, le procureur général au parlement de Rennes Louis René de Caradeuc de la Chalotais, il arrive le dernier comme il sied à un personnage de son importance. Une poussée se produit parmi les curieux les gamins font silence et l'on ne perçoit un petit homme replet, chaudement enveloppé d'une houppelande grisâtre gravir lestement les degrés du perron. C'est tout ce qu'en a vu les curieux : c'est tout ce que pour le moment nous en verrons nous-même car nous n'avons point à nous occuper des hôtes de monsieur le Président, mais comme on dit en langage administratif des voies et moyens employés pour les recevoir. Glissons-nous donc à la suite de madame la Présidente qui avant de paraître au salon va donner un dernier coup d'œil à la salle à manger tout est en ordre les bougies du grand lustre de cuivre doré, celle des candélabre et des torchères qui se détachent de la boiserie aux couleurs sombres. jettent une lumière que nous jugerions peut-être aujourd'hui trop vive et trop crue. Ces bougies sont de diverses couleurs, luxe au 16ième siècle, Olivier de Serres, déclarait n’appartenir qu’aux princes et qui, depuis, est devenu banal. La double nappe en toile damassée de Tournay disparaît sous une profusion d'argenterie: outre les candélabres et les girandoles ce sont de hautes salières d'un style sévère rappelant le dernier siècle; quant aux plats et aux assiettes leur forme contournée accuse une mode plus récente. La verrerie de Bohème finement gravée, brille d'un éclat à peine égalé par notre cristallerie moderne. Notons nous aussi les couteaux, leurs manches, imitation assez grossière de la porcelaine de Chine, sont un premier essai de nos manufactures françaises. Sept heures viennes de sonner à la grande pendule d'écaille (186) incrustée de cuivre, placée sur un socle en face de la cheminée. La porte s'ouvre à deux battants on entend comme un frémissement de soie et de satin et Monsieur le procureur général apparaît donnant le poing à madame la Présidente. Cette fois nous le voyons en pleine lumière malgré son habit de taffetas vert de mer à boutons d'acier cisclés et son jabot de fine dentelles, sa tournure vulgaire s'accorde bien avec son visage plein et fortement coloré; d'épais sourcils en broussaille un œil extrêmement perçant, une bouche aux lèvres minces dénotent bien ce caractère hautain et irascible dont Monsieur Le duc d'Aiguillon a pu apprécier tous les charmes. Après de cérémonieux saluts, on prend place, les femmes sur de hauts fauteuils garnis de cuir les hommes sur des chaises en rotin. Chaque convive à amené son laquais qui s'installe derrière son maître, précaution excellente pour assurer la régularité du service. C'est tout d'abord un cri d'admiration à la vue de la décoration merveilleuse qui remplace le traditionnel dormant en glaces, chargé de ces figurines de Saxe aujourd'hui si curieusement recherchées. Le centre de la table est occupé par un paysage en relief représentant une scène d'hiver. Le givre franchit la plaine, scintille aux branches des arbres et pend en longs cristaux autour des chaumières. C'est à donner le frisson! … s'écrit une jeune femme qui a en effet quelque peu négligés de couvrir ses épaules. Attendez. dit le président, vous n'avez encore rien vu…. et voilà qu'après quelques minutes, grâce à la température qui, dans la salle, s’est légèrement élevée, le givre fond et disparaît, les arbres verdissent, les buissons se couvrent de fleurs. Le printemps a succédé à l'hiver. L’amphitryon explique à ses autres qu'un artiste nommé Carsade, se rendant à Paris, a tenu à offrir ce spécimen de son talent, dont Saintes aura eu ainsi la primeur. Un large soupière d'argent est placée devant le maître de la maison qui sert tour à tour ses convives suivant l'ordre de préséance. À lui revient également l'honneur de découper; cet art est le complément de toute bonne éducation et, quand l'occasion en est offerte, c'est à qui fera preuve de plus de grâce et de dextérité.

Au moyen âge, pareil devoir incombait au chevaliers servants et dans les festins du paon, ce n'était pas un mince mérite de diviser le noble oiseau en autant de part qu'il y avait de convives. Au potage succède, comme relevé, une énorme pièce de bœuf entourée d'une couronne de persil. Cette exhibition semble n'avoir d'autre but que de justifier l'excellence du consommé aux croûtons que l'on vient de servir. On se réserve pour des mets moins vulgaires et, dans le fait, parmi les douze ou quinze entrées offertes aux convives, ils ont toute facilité de fixer leur choix. Point de carte indicatrice du menu; cette innovation de nos estomacs dysepsiques aurait été mal accueilli par des acteurs préférant les péripéties de l'imprévu au banalité d'un programme connu à l'avance. Il nous serait (187) facile, la cuisinière à la main, de donner des indications précises, non seulement sur les mets servis chez le président de Bonnemie, mais aussi, au besoin, sur la manière de les accommoder.

 

 

On nous pardonnera de ne pas pousser jusqu'à ce point le scrupule de l'exactitude technique si cher à nos romanciers modernes. Nous nous contenterons d'indications générales. Le bœuf, dans ce morceau alors considéré comme les plus délicats, le palais, la langue et la queue, formait avec la volaille la partie résistante du repas, dont la dinde aux truffes était, comme on dit en terme de blason, la pièce d'honneur. Les vins, d'exquise qualité, ne sont pas très variés: de vieux vins de Saintonge de différents crus, entre autres ce vin d’Haimps au doux parfum de violette, qu'appréciait si fort le bénédictin Dom Boyer pendant sa tournée scientifique dans notre province, et le vin de Guienne récemment mis en faveur à la cour par le duc de Richelieu et qui menaçait de détrôner les vieux crus de Bourgogne. Avant de servir le dessert, on procède à une opération assez délicate : il s'agit d'enlever la seconde nappe sans rien déranger à la symétrie du couvert. À cette époque la pâtisserie n'était pas encore à Saintes l'objet d'une industrie particulière ; des gâteaux secs, les fouaces et les craquelins, font de la consommation populaire, était fabriqué par les boulangers. La pâtisserie plus raffinée se faisait dans les ménages et parmi les maîtresses de maison, c'était à qui mettrait en œuvre les plus puissent précieuses recettes. Madame la Présidente n'a pas sa pareille pour la confection des ratons, des gobets et des flageots ; mais ce soir elle s'est surpassée dans la savante composition d'une tourte de forme ronde, du milieu de laquelle s'élève, comme un rocher, une pyramide de fruits confits ; tout autour règne un triple rang de dragées de pistache et de zestes de citron. Le fruit est abondant, pomme, poires, raisins, sont aussi frais que s'ils venaient d'être cueillis; c'est encore une gloire de toute bonne ménagère. À ce moment les laquais présentent à chaque convive un verre de vieux vin de Malaga. Le maître de la maison porte la santé de son hôte illustre, qui lui répond par un mot aimable. Tout se fait très simplement et sans ce luxe de phrases que nous avons emprunté depuis à nos voisins d'outre Manche. Chaque convive, après avoir échangé un salut avec sa voisine, se lève et choc son verre en l'honneur du procureur général. Tous les verres doivent être pleins, et ceux qui, par inadvertance, aurait déjà vidé le leur reçoivent, sans trop se plaindre, de nouvelles armes. On passe les liqueurs signal de la fin de repas. On peut choisir entre l'eau-de-vie de Saintonge antérieur à 1709, année qui fut presque aussi fatale à notre vignoble que le moderne phylloxéra, et le scubac, liqueur hétéroclite composé de macis, girofle, cannelle, coriandre, anis et baie de genièvre infusés dans l'alcool. On sert aux dames la liqueur à la mode le parfait amour, de Solmini, d'un goût aussi fade que les madrigaux qu'il ne manque jamais d'inspirer.

 

(188) Madame la Présidente se lève, le cortège se reforme et reprend, avec un peu moins de solennité qu'à l'arrivée le chemin du salon. Voici le moment où de la Chalotais apparaît dans toute sa gloire de philosophe persécuté. Adossé à la cheminée, le buste Cambré, le jarret tendu, il expose avec feu et non sans quelques éloquence, il faut le reconnaître, sa thèse favorite d'une éducation nationale appelée à régénérer la France. Ses théories, considérées alors comme le dernier mot du progrès philosophique et social, nous paraîtraient aujourd'hui singulière, ou, tout au moins, d'un libéralisme douteux. Écoutez plutôt : «… N'y a-t-il pas trop d'écrivain, trop d'académies, trop de collèges ?... Le peuple même veut étudier ; des laboureurs, des artisans envoient leurs enfants dans les collèges des petites villes, où il en coûte peu pour vivre, et quand ils ont fait de mauvaises études qui ne leur ont appris qu'à dédaigner la profession de leurs pères, il se jette dans les cloîtres, dans l'état ecclésiastique; ils prennent des offices de justice, et deviennent souvent des sujets nuisibles à la société… les frères de la doctrine chrétienne, que l'on appelle ignorantins sont survenus pour achever de tout perdre ; ils apprennent à lire et à écrire à des gens qui n'auraient dû apprendre qu'à manier le rabot et la lime, mais qui ne veulent plus le faire. Ce sont les rivaux ou les successeurs de jésuites. Le bien de la société demande que les connaissances du peuple ne s'étendent pas plus loin que ses occupations. » ainsi parle l'ami de Monsieur de Voltaire, il parle bien, il parle longtemps, et tandis-que ces nobles douairières et ses vieux conseillers au présidial fort peu au courant des doctrines des encyclopédistes jettent des regards désolés vers les tables de jeux condamnées à la solitude, consolons-les en leur chuchotant bien bas à l'oreille : « Ce rhéteur insupportable n’en imposera pas toujours à l'opinion publique. En l’an de grâce 1893, vos arrières-petits-enfants verront un professeur de l'université monsieur Carré de la faculté de Poitiers lui enlever son masque de faux philosophe et grâce à une série de documents authentique de montrer ce qu'il est en réalité : un procureur retors, gonflé de son importance et tout bouffi de vanité ».

Minuit sonne en même temps, ce qui était rare à l'horloge de Saint-Pierre et au beffroi municipal ; les invités du président de la Bonnemie ce sont déjà retirés ; deux d'entre eux, le jeune encore, l'autre d'un âge plus que mûr, suivent un fallot qu'un valet assez peu d'aplomb sur ses jambes balance devant eux. Leur voix retentit dans les rues désertes et à peu de peine à parvenir jusqu'à nous. - « Ne me parlez pas, dis le vieillard d'une voix chagrine, ne me parlez pas de Céline et où tout est sacrifié au vin plaisir des yeux : on en viendra à servir des mets de carton doré et à boire dans des dés à coudre.

- Cependant le président (Le Berton) fait bien les choses…

- Oui il avait sur sa table en vaisselle, salière, chandelier et autres objets pour dix mille livres vaillant… ce n'est pas ainsi que recevait son père, le défunt président ; que dieu ait son âme. Chez lui on mangeait dans de la fayence de Brizambourg, mais on mangeait des choses solides : de bonne fricassée de poulet, de bon gigot de mouton, et quand on servait une dinde, chaque convive en avait un membre.

- Les vins étaient excellents.

- J'en conviens ; ils sortent des caves du défunt président, mais pourquoi deux verres ! Est-il rien d'impertinent comme ce petit verre qui semble vous crier: « Modère-toi, mon ami : change à non pas trop prendre !...» et puis, plus de joie, plus de gaieté ; autrefois, dans une société aussi nombreuse, on eût entendu nos ris de cent à la ronde ; chacun a eu chanté sa chanson : demander plutôt à Madame votre grand-mère, tu m'as fait cette honneur de me passer plus d'une fois le rameau vert. Enchanté la cour et les ministres, et le subdélégué de l'intendant, qui d'abord faisait la grimace, finissez par faire chorus avec nous… « Croyez-moi croyez-moi mon jeune ami les vieilles mœurs s'en vont et ce ne sont pas les discoureurs comme celui que nous avons entendu ce soir qui les feront revenir. Mais me voici à deux pas de chez moi… merci pour votre Fallot…» Et le vieillard disparaît dans la rue sombre en fredonnant de sa voix cassée :

 

Dans ce siècle accablé d'impôt,

Ma frayeur est extrême

Que sur nos coups de quelques marauds

Ne lève le dixième.

 

D. d’Aussy

 

 

 

 

 

 

Le Présidial fut tenu par deux membres de la famille Le Berthon de Bonnemie, le père: Marc-Auguste Emmanuel Catéjan (Nom épouse) Décédé en 1755, à l'âge de 63 ans c'est donc son fils qui prit la suite, organisant alors ce fameux repas.... on ne connait pas les noms des invités.... !

Plan anonyme  1652 S.H.A.C.M Saintes. Photos Michel Souris.
Plan anonyme  1652 S.H.A.C.M Saintes. Photos Michel Souris.
Plan anonyme  1652 S.H.A.C.M Saintes. Photos Michel Souris.
Plan anonyme  1652 S.H.A.C.M Saintes. Photos Michel Souris.
Plan anonyme  1652 S.H.A.C.M Saintes. Photos Michel Souris.
Plan anonyme  1652 S.H.A.C.M Saintes. Photos Michel Souris.

Plan anonyme 1652 S.H.A.C.M Saintes. Photos Michel Souris.

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