16 - Témoignages 39-45. Les dures lois du vainqueur à Saintes, avec un Saintais témoin des premiers jours
Juin 1940
Le vainqueur occupe la ville de Saintes
Premières et sanglantes soumissions
Pourtant à la déclaration de guerre, les hommes étaient partis presque la fleur au fusil, mais sous le regard triste des leurs. Puis ce fut la défaite, un témoin qui habitait dans la rue jouxtant la Caserne Taillebourg (Ancien couvent des Dames de Saintes) raconte.... l'impitoyable " Loi " des vainqueurs.
Loret François – 1931
Mémoire vivante :
Mon père était forgeron, mais aussi scieur de long. Ma mère était couturière.
Prison de Saintes: Quand il y avait une exécution capitale qui devait avoir lieu toute la ville était au courant. Je montais pour voir par la fenêtre du grenier, nous surplombions un peu la prison, mais on ne voyait pas grand-chose. Le condamné hurlait (criait.. !!), il y avait le bruit du couperet que l’on entendait. Ce devait être vers 1947.
Marie-Eustelle Harpain: La maison où nous demeurions, 25, rue Pont Amillon, avait été donnée par la propriétaire à l’évêché.
Abbaye aux dames: Aux abords du cloître il y avait en hauteur une plaque de fer pour monter des sacs aux étages. Cette plaque était percée et il y avait au-dessus une poulie. Un jour un homme s’était tué en tombant par ce trou.
Monsieur
1 Arrivée des Allemands
Cette journée je me trouvais rue du Pérat et j’allais chercher du fil pour ma mère. Quand j’ai vu les allemands, j’ai dit à ma mère… « Voici les boches qui arrivent » et elle m’a répondu… « Il ne faut pas les appeler les boches… ». Ils sont arrivés par l’avenue Gambetta et sont revenus vers l’Abbaye par la rue arc de triomphe, enfin je crois bien que c’est cela. Certains étaient en side-car. Un peu avant l’arrivée des Allemands, le docteur Pourcelet qui était Colonel d’active dans cette caserne nous avait proposé de récupérer le plus d’affaires possible. Nous avions alors récupéré une boite de pommade (filoppotte) pour les jambes, ainsi qu’un réchaud électrique. Un nommé Fleuranceau travaillait chez Maurice Berthelot (cet homme avait eu des doigts sectionnés sur une moto) place de la prison et Pourcelet lui avait demandé de d’emmener sa voiture et de la mettre dans son garage. A cette époque comme les juifs avaient voulu quitter rapidement la ville, Berthelot leur avait vendu voiture et vélos. Mon père lui avait alors demandé où était la voiture et il lui avait alors répondu… « Ne t’en fais pas, j’ai envoyé la voiture ». Suite à ces histoires avec M. Berthelot ma mère s’était brouillée avec ce dernier. Les Allemands avaient placé une sentinelle au principal porche menant sur la place de l’Abbaye, puis une autre entre l’Abbaye et le bâtiment central (face au cloître).
2 Les prisonniers de la caserne – Aide à la nourriture
Les allemands avaient de nombreux prisonniers dans la caserne, divers soldats français, dont des zouaves. Ces soldats étaient restés huit jours sans manger. Avec deux copains, Jacky Bouzinac et Claude Bourasseau nous allions voir les prisonniers au portail. C’était un grand portail qui donnait sur notre rue, il y avait une petite ouverture et ainsi on leur apportait de la nourriture et à boire contre l’argent qu’ils nous donnaient pour cela. En fait ils nous avaient fourni un bidon (*) et nous leur ramenions du vin et du pain. On allait se servir à l’épicerie qui se trouvait juste près de chez nous (presqu’en face), c’était chez M. Garlopeau. On donnait donc à manger à certains prisonniers, mais ce n’était jamais les mêmes mains qui se tendaient pour recevoir le pain et il fallait faire attention car ils nous l’arrachaient sauvagement. Mais les allemands avaient vu notre manège et ils ont mis deux patrouilles qui tournaient avec leurs motos autour de la caserne. On avait trouvé un système et l’un de nous restait dans la rue et il faisait signe avec un mouchoir. En fait on se planquait derrière la palisse qui se trouvait chez Béziau (Famille Lemasson – Cor / Certainement le n° 15 en 2010). Ils avaient bien essayé de nous prendre (sur le fait.. !), mais ils n’ont fait que défoncer les bidons avec leurs mitraillettes. On les alimentait tous les jours.
(*) Un de ces bidons a été conservé et donné à MS ce 25/03/10. Voir aussi la photo
3 Tentative d’évasion et mort d’un zouave
J’ai vu un zouave qui avait escaladé le mur d’enceinte de la caserne, il était dessus le mur et il avait les bras en sang. Un soldat allemand qui était en moto l’a vu et il a tiré, l’homme a été tué et il est retombé de l’autre côté du mur, à l’intérieur de la caserne. A ce moment on se trouvait derrière la palisse habituelle.
4 Un zouave agressant un Allemand est fusillé
Un jour les prisonniers ont quitté la caserne et ils sont partis à pied et sous bonne escorte (motos et gardes à pied) en passant par la rue du Pérat. Je revenais de chercher du fil au magasin « Le fil enchanté » (Mme Renou), je me trouvais sur la gauche de la rue (Côté Est) et sur la droite il y avait une fontaine (Il fallait tourner une manivelle sir le dessus pour faire couler l’eau) et un prisonnier s’était détaché du groupe pour boire. Un garde allemand lui avait alors donné un coup de crosse sur la tête, l’homme en avait même perdu des dents…. C’est alors qu’un prisonnier (de race africaine / noir) avait sauté sur le garde et avec son rasoir à main (Coupe chou) il l’avait égorgé. Des soldats ont forcé le noir à monter dans un side-car et ils sont partis, le surveillant de près. Je suis vite rentré à la maison et peu de temps après j’ai entendu le tir d’une rafale de mitraillette. Ils avaient fusillé cet homme, j’en suis convaincu, dans le chemin bas ; le chemin blanc qui menait à Diconche (De nos jours bureaux de l’E.D.F).
5 Bombardement du 24 juin 1944 – gare de Saintes
A cette époque et cette nuit-là à la maison il ya avait mes parents, ma sœur et un locataire. Nous avons entendu la sirène d’alerte, nous nous sommes levés et nous avons voulu préparer nos affaires (Valises….), mais au dehors le ciel était tout illuminé. Quant à notre locataire il voulait mettre ses chaussures, mais comme il faisait noir il ne les trouvait pas. Nous sommes partis dans la rue et nous avons couru jusqu’au chemin bas, il y avait du monde dans la rue, même des Allemands qui se sauvaient eux-aussi. Les bombes avaient commencé à tomber. Arrivés au chemin bas, nous nous sommes accroupis et nous avons attendu. Les DCA allemandes avaient commencé à tirer assez tôt. Je me souviens du système qui était sur la caserne Taillebourg, ce devait être une mitrailleuse, enfin il n’y avait qu’un seul tube, j’ai d’ailleurs vu ses tirs traçants. A un moment donné j’ai vu un avion qui était pris dans le tir. Puis à un certain moment j’ai entendu comme un avion qui piquait, puis je n’ai plus entendu la mitrailleuse qui était sur le toit. La caserne venait d’être coupée en deux par des bombes. Je me souviens bien avoir vu un avion à double fuselage (certainement un Mosquito), peut-être au moment où il avait piqué sur la caserne ou bien avant… !! La mitrailleuse était entourée de parapet en bois, le jour on ne voyait rien, mais elle était peut-être sous une housse… ! Des deux servants qui se trouvaient sur le toit, il devait y en avoir deux, on n’a jamais rien retrouvé. Puis quand la sirène de la fin d’alerte a sonné nous sommes rentrés à la maison. Nous n’avions presque pas de dégâts, un contrevent était tombé dans la rue et nous avions des carreaux de cassés.
6 Fouille ordures de la caserne et jet de bouteille par un Allemand
Une femme (*) qui habitait route de St Jean faisait faire des robes par ma mère. Comme elle en avait la possibilité, elle nous avait fait avoir l’autorisation de nous rendre au mess officiers pour récupérer de la nourriture pour notre cochon (Que nous avons tué dans la cave en le faisant taire pour ne pas que les Allemands l’entendent). Ainsi je me rendais à la caserne pour cette récupération. Mais par la même occasion j’allais fouiller les poubelles d’ordures. Mais comme je devais faire du bruit, un Allemand est apparu à une fenêtre du 2ième étage et il a gueulé sur moi, puis il m’a balancé dessus une bouteille d’encre (Waterman.. Ces bouteilles que l’on pouvait poser inclinées).
(*) Elle a été tondue à la libération
7 Bombardement du 14 août 44 – Emile Zola
Cette journée là je me trouvais au village de chez Corbin et j’ai vu des avions qui passaient dans le ciel, j’ai alors dit à mon père… « Tu as vu les avions perdent quelque chose… ». C’était des bombes.
8 Libération de Saintes et épuration
Je ne sais rien sur les combats de la libération, mais seulement que les Allemands sont revenus par deux fois et qu’entre temps les Saintais avaient mis des drapeaux français un peu partout.
Une femme de St Hilaire de Villefranche a été tondue devant les grands bureaux de la SNCF. Puis cette autre femme, voir paragraphe (6), ci-dessus, qui demeurait route de St Jean, a aussi été tondue. Elle demandait à ma mère de lui faire ses robes, elle avait aussi obtenu que nous puissions nous rendre à la caserne pour récupérer de la nourriture pour notre cochon.
(6) Femme qui faisait faire des robes par ma mère, nous avait obtenu l’autorisation de rentrer dans la caserne occupée par les Allemands
Madame
9 Crash d’un avion US à Corme Royal
Je suis née en 1934. A l’heure à laquelle est tombé l’avion je revenais du catéchisme à Corme Royal. Nous apercevions les avions qui se mitraillaient. Je demeurais avec mes parents au « Maine dorin », mon père s’appelait Georges Bareau et il était métayer.
La famille demeurait en bordure du champ, au fond du chemin qui longe et elle habitait sur la façade, alors que Yonnet demeurait à l’arrière. Actuellement Yonnet demeure face au champ.
Quand je suis revenue je n’ai pas pu approcher. Il y avait de nombreux Allemands et ils cherchaient les aviateurs américains ; ils fouillaient partout.
Boucle du ceinturon allemand : Je l’avais récupéré à la caserne après le départ des allemands. C’est Séverine Favre, ma petite fille Séverine (25 ans), qui la conserve. Contacté la mère, Martine, elle me fera faire la photo et je la recevrai par mail (au 26/03/10)
Edition globale le 13 mai 2010