29 - 1939 - Le dernier Noël de Gislaine âgée de 5 ans. Mais son plus beau Noël en 39-45 sera un officier allemand
" Gislaine, nous nous sommes rencontrés en 2017,
dans un petit café de Saintes,
tu m'as fait confiance et tu m'as raconté
" 2 " belles histoires "
En effet née en 1934 Gislaine a traversé la guerre, m'en a raconté trois pages, mais ce soir je mets en " point d'orgue " deux faits qui l'ont poursuivie toute sa vie.
" Mon dernier Noël du 25 décembre 1939..... "
" Ma rencontre avec un officier allemand, en fait un Autrichien.... "
Gislaine B....... , épouse Jacques D....... – Née 11/02/1934 à Candas (80)
Père : 1913/1996 Mère : 1911/2007
39/45 : 31, rue Pellieux - Ailly-sur-Noye – Somme
Mariage en juillet 1956 et domiciliée à Cambrai
Domicile à Albert (Somme) : Il y a 35 ans je demeurais dans la maison de Madame Bey.
11/12/2017 – 8/1/2018: Saintes
« Le dernier cadeau de Noël »
Le témoin a accepté de parler sur cette période de sa vie, mais essentiellement le déclenchement de la récupération de ce témoignage a son origine dans le fait que cette Dame a parlé de son dernier cadeau de Noël, en effet pendant la guerre elle n’avait plus eu de cadeau.
Je suis née dans la ville de Candas dans la Somme, ma famille se composait de mes parents et de mon frère né en 1942 et de mes deus sœurs nées l’une en 1931 et l’autre en 1936. Mais je n’y suis restée à Candas que quelques-mois, mon père était employé à la S.N.C.F dans le service exploitation et avait connu plusieurs affectations, il sera un jour chef de gare.
Mes parents avaient fréquenté la même école, ils avaient aussi fait leur communion ensemble. Ma mère attendant un enfant très jeune, non majeure, il a fallu demander une dispense pour le mariage, car des parents s’opposaient à ce mariage pour cette raison. Ils se sont mariés, mon père avait 19 ans et ma mère 17 ans et demi.
Ainsi nous avons déménagé à Canaples, puis vers 1936 à Amiens, pour nous retrouver à Ailly sur Noye, en 1938, où nous sommes restés toute la guerre.
A la déclaration de guerre nous nous trouvions à Ailly sur Noyes. C’était une ville d’environ 2500 habitants.
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1 Débâcle et arrivée des Allemands
Nous avions été évacués en Normandie et en Bretagne. Sur les routes je me souviens de toutes ces personnes qui évacuaient. C’était une voisine à nous qui nous avait emmenés avec sa voiture. Elle s’appelait Chauvelot et on la voit sur une des photos avec sa fille près d’elle et son fils dans les bras de mon père. Photo qui, je crois a été prise le lendemain de la déclaration de guerre, c’était pour une fête locale, sur la commune de Saint-Valéry-sur-Somme. Sur cette photo je suis avec ma sœur et mes parents. Dans nos différents déplacements, du fait de la guerre, à un moment donné j’avais même fait un trajet dans un wagon à bestiaux. Une de mes photos montre la maison de mes voisins, une belle maison vers la notre qui avait été réquisitionnée par les Allemands pour y installer leur kommandantur ; c’était au numéro 27 et il y avait une guérite devant. Quand nous passions devant cette guérite ma mère nous avait demandé de ne pas rire devant les soldats. Puis quand nous allions chercher notre lait à la ferme de M et Mme Crampon (située dans notre rue mais sur l’autre côté presque en face la Kommandantur – Ajout 12/1/2018), on ne devait pas demander plus de lait s’il y avait d’autres personnes présentes. Pendant l’occupation allemande les soldats avaient réquisitionné différents bâtiments dont l’école, aussi il avait été construit des baraquements en bois et nous y allions à l’école. Même juste après la guerre, dans l’attente des reconstructions nous nous rendions toujours à cette école en bois.
2 Le « Dernier cadeau de Noël » Décembre 1939
Je me souviens de mon dernier Noël. J’ai conservé depuis ce mois de décembre 1939 le cadeau fait par mes parents. Un modèle réduit de chambre à coucher avec plusieurs meubles. Mais c’est moi qui ai fait les draps. Je la garde dans une petite vitrine. Pendant la durée de la guerre il n’y a plus eu de cadeau, seulement quelques bonbons. Pas de chocolat car il n’y en avait plus.
3 Mon père réquisitionné par les Allemands – SNCF
Comme de nombreux cheminots il avait été réquisitionné sur le lieu de son travail. Il sabotait à sa manière en dirigeant les trains de manœuvres sur de mauvaises voies. Des hommes étaient requis pour garder les voies ferrées la nuit.
4 Un officier autrichien sauve ma sœur de la noyade
Souvent le soir je me rendais chez des voisins qui demeuraient à l’extrémité du village vers les dernières maisons en allant vers le nord. Beaucoup plus loin il y avait un moulin à farine sur la Noye (Moulin Maréchal, il appartenait à cette famille / Ajout 12/1/2018). Mais un soir c’est ma sœur Françoise qui y a été à ma place. Il y avait la rivière aux abords de notre village, la Noye, et elle y est tombée. La dame a alors appelé au secours et c’est un officier autrichien qui est accouru. On l’appelait commandant (Selon P. Morini c’est une lieutenant), au moment de la chute de ma sœur, Ernst Gasteiger tel était son nom, était avec des hommes de la résistance local, lui-même étant antinazi. Il avait couru et sorti Françoise de l’eau ; par la suite il lui avait acheté une poupée et avait pris la pose avec elle pour une photo. Le jour de l’accident ou dans les jours suivants, ce fait qui aurait pu être dramatique a eu lieu le vendredi 13 juin 1941. Dans le civil il était pharmacien. Après la guerre nous avons continué à correspondre avec cet homme, puis au mariage de ma sœur il y avait conduit et assisté à la cérémonie. Il était venu en France avec une belle voiture et un jeune chauffeur. On le voit avec elle sur une photo.
Pendant la guerre cet homme avait failli être ennuyé car un journal avait relaté son sauvetage et de ce fait il avait été réprimandé car il n’aurait pas du se trouver là où il était au moment de l’accident de ma sœur.
5 Mes voisins hébergeant des réfugiés italiens
Les enfants de mes voisins, nommés Crochu (Mme Henriette Crochu), avaient hébergé des Italiens qui avaient fui leur pays. Il s’agissait d’un couple avec une petite fille. Les Italiens avaient demandé à Madame Crochu s’il connaissait une petite fille qui jouerait avec leur fille Agnès et lui parlerait en français. Ainsi j’avais joué avec cette petite fille. Pour nous remercier, ce couple qui s’appelait Zinn ( !) était revenu nous voir et ils m’avaient offert un cœur en cadeau et je l’ai toujours (photo).
6 Baignade avec les soldats allemands
Dans un secteur de notre commune il y avait de nombreux étangs et nous allions nous y baigner. On y voyait des soldats allemands qui s’y baignaient aussi. Un jour l’un d’eux s’était noyé et les chefs n’étaient pas contents. Je me souviens qu’ils avaient fait des recherches dans les fourrés.
7 Abri dans le jardin de mes parents
Mon père avait creusé un abri dans le fond de notre jardin, vers la Noye. Nous avions aussi des peupliers dans ce secteur. C’était un trou pas très profond sur lequel il avait mis une tôle ondulé, cela ne devait pas trop nous protéger, mais au moins on était abrité des éclats et projections diverses.
8 La guerre et les avions – Crash et parachutistes
Il y avait souvent des bombardements dans la région d’Amiens. On pouvait voir les chapelets de bombes qui tombaient des avions. La gare d’Amiens était souvent visée. Je me souviens bien des hurlements, des sirènes et des Allemands qui étaient comme des fous. Les D.C.A tiraient aussi bien le jour comme la nuit, des avions, « Fortress », passaient dans le ciel au-dessus de notre commune. Je revois bien les chapelets de bombes qui tombaient en biais sous les avions qui les larguaient toujours en repartant vers l’Angleterre. Puis ces sifflements quand elles arrivaient près du sol, j’ai bien ce bruit en mémoire, ainsi que celui des avions. On distinguait bien le bruit d’un avion « Fortress » par rapport à celui d’un chasseur. La nuit quand des avions étaient touchés on entendait bien le moteur qui se mettait à avoir des ratés. On avait vraiment peur et cette angoisse nous a suivis toute notre vie.
Un jour, en plein midi et ce devait être dans les beaux jours, j’ai vu passer un avion qui était en difficulté, il laissait une trainée blanche et ses moteurs faisaient comme des ratés. Onze aviateurs ont sauté de l’appareil mais un d’eux, dont le parachute ne s’était pas ouvert et il s’était alors tué en tombant sur le terrain de foot. Je revois très bien les corolles blanches de ces parachutes qui s’ouvraient dans le ciel. Les Allemands cherchaient partout les parachutistes, ils étaient avec leurs camions et leurs chiens.
Des gens d’une laiterie et des fermiers de notre petite région avaient aidé des aviateurs rescapés. La femme de la laiterie, Anna Feugueur (Ajout par M.S ne savait pas le nom), avait été déportée à Buchenwald, mais elle a survécu. Je me souviens bien de cette femme qui était montée sur un tombereau à son retour, elle se tenait droite, elle avait été martyrisée aux seins. A cette occasion pour célébré son retour les cloches de l’église avaient sonné. D’autres personnes avaient été déportées mais on ne les a jamais revues.
Selon le chercheur spécialisé J-P Ducellier – Lucheux (80) : Crash de ce « B17 » le 24 février 1944 vers15 h 30. La « Fortress » du 351 group revenait d’Allemagne. Elle s’est crashée entre les communes d’Estrée sur Noye et de Grattepanche (80) au Nord Ouest de Ailly sur Noye. Un aviateur est bien mort en tombant sur le terrain de sport. 11/12/2017.
Noms des personnes ayant aidé des aviateurs : Michel Dubois, Mme Vignon – Tellier, Edouard Robin, Paul Christol, Geneviève, Henri Binnet.
9 Les Américains à la libération
A la libération, nous demeurions toujours à Ailly sur Noye, j’ai vu mon premier soldat américain, il était avec ses armes de combat. Il m’avait alors donné des dragées Chewing-gum et je lui avais dit merci en anglais….. Thank you veri much… et cela l’avait fait sourire.
« J’ai toujours la photo de cet officier tenant ma sœur par la main,
car sans cet homme je serais orpheline de ma sœur et toute seule aujourd’hui »
Enfin cet officier allemand et cette famille qui se souviendront toute leur vie d'un certain sauvetage d'une noyade...... interrompue à temps.
Ici nous découvrons le sauveteur photographié en compagnie de la petite fille. Ces familles avaient été très proches, de ce fait, mais certainement dans le sens noble du terme. Aussi après la guerre l'officier Ernst Gasteiger, redevenu civil sera invité d'honneur au mariage de sa protégée.. Françoise.
Gislaine ne retournera jamais là-bas, trop loin et pas facile à 86 ans, malgré sa superbe envie d'aller de l'avant, de transmettre sa joie de vivre, d'être là parmi nous. Bien sûr je suis de ceux qui remercie aussi Ernst, pour Françoise et Gislaine.