9 - La Police au temps de la guerre..... Saintes avec Maurice Neau
La police en temps de guerre, c'est aussi cela la Mission
" Maurice Neau "
Sa journée du 14 août 1944
" Mission accomplie chef…. "
Dans la police en 39/45, arrivé à Saintes après le premier bombardement de juin 1944, il allait découvrir l'horreur. En ce qui me concerne je le croisais du temps de mon école primaire, un homme très relationnel, mais il devait " servir ".
Bombardement de Saintes - 14/8/1944
A cette époque j'étais dans la police nationale.
La SNCF de Saintes a été avertie, par La Rochelle, qu'une formation de bombardiers se dirigeait vers Saintes. M. Chabot, mon cousin, avait eu le temps de venir me prévenir.
Je couchais à ce moment-là chez ce cousin qui demeurait impasse Gambetta. Cet homme travaillait à la SNCF. J'avais donc était prévenu avant la sirène et l'arrivée des bombardiers. Un de mes parents, demeurant vers Surgères, avait vu passer les appareils et ceux-ci semblaient venir de la mer.
A 10 h 45 la sirène a sonné, dans le ciel on apercevait les bombardiers et autour des chasseurs qui faisaient penser à des mouches tournant autour. Ces appareils étaient très haut dans le ciel, il s'agissait de " quadrimoteurs ", forteresses volantes. Un premier bombardier volait devant la formation. Puis j'ai vu les premières bombes se détacher, c'était une vision effrayante, puis il y a eu les sifflements des bombes et les explosions.
Mais seulement 6 bombes seront tombées sur la cible prévue (Une sur la passerelle... M.S), un secteur vers le cimetière et l'embranchement des voies après la passerelle. Cela servait de triage depuis le bombardement du 24 juin dernier.
Dans le jardin d'Ernest Chabot un abri avait été creusé, sous une couche fragile et plusieurs personnes s'y étaient alors réfugiées.... Renoud, Chabot, Albertine Chabot, une femme égarée et moi-même. Cette dame avait trouvé cet abri providentiel et par la suite nous ne l'avons plus jamais revue.
Les premières bombes sont tombées sur l'extrêmité du passage souterrain St Pallais, en bout de la rue St Pallais. Alors que les avions avaient commencé leur œuvre, la défense anti-aérienne allemande avait répliqué, mais en vain car les avions étaient trop haut. En ville il y avait un camion mobile qui dirigeait son tir vers le ciel et dans l'enceinte de la SNCF c'est un canon " 4 tubes " qui tirait vers les avions. Il y en avait aussi un autre avenue Gambetta. Deux camions ou plus devaient circuler en ville.
Après le bombardement je me suis rendu au commissariat de police d'où je suis reparti sur les lieux du bombardement. En fait dans le quartier Emile Zola avec deux autres gardiens, René Julan et Andé Clerteau. Ainsi affublés de notre casque nous sommes arrivés en vélo sur les lieux. Nous avons découvert beaucoup de poussière en arrivant par la rue Marcelin Berthelot. De 11 h 10 à 17 heures nous avons gratté la terre. Avec nos mains et le casque car nous n'avions pas d'autres outils à se servir. Par la suite on nous avait fourni du matériel, pelles et pioches.
Le premier corps que nous avons retrouvé était celui d'ue femme, il était en pleine rue, juste à côté d'un cratère fait par une bombe. Puis nous avons déterré deux jeunes hommes de 18 / 20 ans, c'était des apprentis de la SNCF. Dans une cave nous avons aussi trouvé deux personnes asphyxiées (Est-ce les couturières.... !! M.S). Toujours rue Marcelin Berthelot, très près d'un endroit où nous avons sorti un corps, il y avait une bombe encore intacte et enfouie, elle avait perdu son système de guidage arrière. Elle a été désamorcée par la suite.
Une des personnes sauvées se nommait Onis (ou Aunis), il l’avait déterrée en grattant la terre. Par la suite cette dame l’appelait… «Mon sauveur… »
Notes : selon archives hôpital : Victoria Aunis, née en 1906 (M.S)
Pour l'anecdote, si l'on peut dire ainsi, alors que j'avais été boire un verre au café Rey, à l'angle de la rue Grelaud, on m'avait fait payer ce verre d'eau 50 centimes. Après la guerre je m'en étais souvenu.
J'ai emmené cinq morts à l'hôpital, 4 h et 1 f, et deux blessés. Une morgue avait été installée à l'hôpital. Elle était après la chapelle, c'était à un endroit où il y avait déjà des blessés et malades allemands. Ces derniers avaient alors probablement quitté les lieux.
Les cadavres et les blessés avaient été transportés en " Traction avant " (Citroën) à l'hôpital, le brancard étant installé sur le siège arrière du véhicule, mais il avait fallu laisser les portes ouvertes. De ce fait les agents devaient signaler le passage de cet étrange convoi.
A 17 h 30 le relève a été assuré par la " Défense Passive " de St Jean d'Angély.
En ce qui me concerne j'avais repris mon service de 20 h à 4 h du matin, ceci pour éviter le pillage. Le lendemain même service, mais de 12 h à 20 h.
Pendant plusieurs jours les fouilles avaient continué afin de retrouver les victimes. Les travaux étaient effectués par la Défense passive de Saintes et des villes voisines, ainsi que par des volontaires, mais avec du matériel convenable.
Témoignage recueilli en 1993.
Les photos qui suivent sont extraites du " Fonds Thiery ", photographe à Saintes. C'était après guerre.