Ecole d'Enseignement Technique de l'Armée de l'Air
B.A 722 - Saintes
En août 2002 devant un important parterre de militaires et élèves techniciens, j'avais expliqué pourquoi mon investissement envers le….
" Devoir de Mémoire " et bien sûr ma passion pour mes investigations historiques dans les souvenirs des humains et sur le terrain.
LE DEVOIR DE MEMOIRE
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Les raisons majeures de cette animation / débat sont, d'une part: La présentation de la démarche historique par la recherche de témoignages et d'éléments matériels sur un fait, en l'occurrence il s'agit ici d'un fait de guerre.
Ceci doit nous faire prendre conscience, que ce qui' n'était au départ qu'un vulgaire morceau de tôle, un banal éclat de pierre, de vagues récits ou toute autre chose sans grand intérêt apparent, deviennent, du fait d'investigations précises, des témoignages empreints de vie, voire de respect, deviennent des reliques, car ils reflètent les drames vécus par des centaines de mille d'êtres humains.
Ces démarches d'investigations tant en recherche d'éléments matériels que de témoignages humains, s'appuyant sur des bases solides, dans le but de la Conservation de la mémoire des hommes, permettront la contribution de tous et de chacun de nous au DEVOIR DE MEMOIRE.
LA MEMOIRE
Pour les origines de la mise en action de notre mémoire et de sa transmission tout peut être supposé. Ainsi, certainement que les premiers occupants humains de notre terre, avant même d'avoir un langage très étendu, un peu comme les animaux, avaient dans leur programmation du comportement la mémoire de leu vécu, influant de ce fait sur leur mutation comportementale.
Puis un jour, au fur et à mesure de leur progression technique, peut-être même parallèlement à l'élargissement de leur langage ces hommes ont étendu leur vocabulaire.
Il est probable, qu'au cours de concentration d'individus, voire avant de s'endormir, devant un feu, certainement jamais éteint, les hommes commentaient des faits de la journée, ne serait-ce qu'en se ventant. Je ne pense pas que les premiers hommes perdaient de leur temps en " Bla bla ou baratins " dits intellectuels " comme nous le pratiquons de nos jours.
Donc, de jour en jour, de mois en mois, d'époque en époque, nos hommes préhistoriques se remémoraient très certainement leurs faits glorieux, sans oublier les catastrophes et leurs grandes terreurs, voire même qu'ils se rassemblaient pour revivre ou se rappeler ces grands faits. Avec souvent pour repère lune, soleil et saisons.
Ce qui a fait, que de veillées en veillées, d'évolution en évolution, les grands faits, les traditions des ancêtres se sont inscrits d'eux-mêmes dans la transmission orale, mais aussi conserver sous d'autres formes, à savoir, peintures rupestres, graffiti et autres moyen de communication.
Il est probable, et même évident, qu'avant toute mémoire inscrite donc conservée, il n'y avait que la mémoire vivante, celle qui était transmise oralement et mémorisée uniquement dans le cerveau des individus, auteurs de ces faits et de ceux qui en avaient connaissance, soit pour les avoir vécus ou en avoir reçu l'information d'un ancêtre.
La mémoire sauvegardée étant essentiellement celle qui a été gravée, écrite. Au sujet de la mémoire sauvegardée, nos ancêtres avaient un avantage sur nous. Ainsi qu'ils s'agissent des hommes préhistoriques, dits " hommes des cavernes ", des fabuleux architectes pharaoniques, des flamboyants constructeurs de cathédrales, de bien d'autres qui gravaient ou inscrivaient leur mémoire sur des supports solides, résistant au temps. Leurs moyens de conservation étaient et reste plus durable que les procédés de l'homme contemporain qui fait trop confiance à ses supports modernes, voir électroniques et basés sur le principe du magnétisme, avec tous les dérivés, ordinateur, CD, logiciels, etc…
En effet si une catastrophe, voire un séisme magnétique, même de minime importance survenait, qu'adviendrait-il de notre mémoire conservé selon ces procédés. Dans ce domaine on peut dire que la mémoire sauvegardée sous forme d'écrit peut rester plus fiable dans le temps.
Pour en revenir à la MEMOIRE VIVANTE, moyen de transmission orale de nos ancêtres, c'est cette méthode de transmission qui nous intéresse, en partie, aujourd'hui, mais pourquoi. !
Pourquoi…! Et bien, de nos ancêtres de l'âge de pierre aux veillées de nos arrières grands-parents, il y a un point fort qui est commun, en effet la mémoire vivante reste la même, reste basée sur le même principe, mais, et on ne peut que le regretter, il est pratiquement impossible, que de veillées en veillées, des récits puissent nous parvenir d'aussi loin.
Je parle de ces faits non sauvegardés, non conservés, faits qui se transmettent par le moyen bien connu du bouche à oreille.
Pour un grand nombre d'entre nous, ici présents, nous n'avons pas connu ces soirées où ces instants, au cours de rencontres, durant desquelles des anciens racontaient des histoires, celles des autres et souvent la leur. Celle des autres c'est l'histoire qu'ils tenaient de leurs parents, grands-parents, ces derniers les tenaient eux-mêmes de leurs parents, voire leurs grands-parents, et on pourrait remonter encore plus loin, mais les exemples en la matière sont rares, malheureusement la mémoire vivante se disperse, s'atténue et s'évapore au fil des générations.
Concernant la mémoire vivante, il m'est possible de vous citer un exemple qui m'est personnel, mais en vous renseignant auprès des anciens de vos familles peut-être que vous pourriez constater, à votre tour, et être étonné à quel point la mémoire vivante nous concerne tous, faut-il avoir tendu les oreilles au bon moment…..
Dans la famille de mon épouse, je tiens de mon beau-père ce qui suit….
" Un soldat de l'empereur Napoléon 1er, qui avait fait la retraite de Russie, était revenu à Saintes, avec ses moyens de bord, comme l'on dirait aujourd'hui, et il avait survécu en mangeant le jarret de son cheval….
Bien sûr cela paraît léger comme information…. Mais à d'autres veillées mon beau-père (Ainsi que sa sœur) en ont rajouté, à savoir que ce soldat, je pense qu'il s'agit bien du même, pour échapper à la poursuite des gendarmes qui le recherchaient comme déserteur, il ne tenait pas à remettre ce genre d'expédition désastreuse, ainsi pour échapper au regard des gendarmes il s'était déguisé en femme….
Le nom de cet homme échappe à mon beau-père, mais dans le courrier de famille il y a deux lettres de l'époque napoléonienne, signées par un nommé BEY, qui déclare à sa famille saintaise que le lendemain de ce courrier l'empereur doit passer son régiment en revue….
Ainsi ces faits se corroborent mutuellement, c'est de la mémoire vivante à l'état pure, mais comme je l'ai conservée en l'écrivant, celle-ci devient mémoire sauvegardée.
Ainsi par le simple fait de cette mémoire vivante, je pense sans me tromper que j'ai ainsi eu connaissance d'une partie de vie d'un homme étant né à l'époque de la révolution française, ceci sans rupture du bouche à oreille.
Cette mémoire vivante, nous en sommes tous détenteurs, mais aussi souvent coupables de l'avoir fait disparaître, parlant principalement pour moi, mais d'autres personnes pourront se reconnaître…..
Qui n'a pas dit un jour…! Comme moi-même je l'ai dit " Le papy, le pépé ou tel ou tel autre ancien, ancienne…. Il nous rabâche toujours la même chose, quand il commence on ne peut plus l'arrêter, il ne va pas nous remettre cela….. Qu'il s'agisse de la guerre ou de tout autre fait vécu par ce narrateur ou dont on lui a, à lui aussi, fait le récit…
C'est ainsi que l'on fait taire la mémoire vivante, mais aussi on enferme dans son silence cette personne qui n'osera plus jamais raconter ces récits, même qu'agissant ainsi c'est aussi lui signifier qu'il n'est plus bon à rien, voire même qu'en le faisant se taire c'est nier son existence, voire celle de ceux dont il voulait parler.
C'est dommage, pour l'homme, mais aussi pour la transmission de cette mémoire vivante, car c'était peut-être le dernier détenteur de cette connaissance des faits qu'il aimait relater aux proches, c'était peut-être le dernier maillon d'une partie de notre passé.
Ainsi va le cheminement de notre mémoire, fut-elle collective ou au niveau familial, mais avec tout le respect que nous devons apporter au narrateur des faits rapportés qu'en est-il de nos jours.. !
Il y a cette mémoire sauvegardée et conservée, car mémorisée par un moyen physique, mais pour la mémoire vivante véhiculée depuis la nuit des temps jusqu'à notre génération, on peut dire en fait, sans beaucoup se tromper, que nous ne pouvons probablement remonter que jusqu'au récit que nos grands-parents, voire arrière grands-parents tiennent de leurs grands-parents, voire de leurs arrières grands-parents, vous pourrez vous-même faire le calcul, je crois que nous pouvons nous retrouver vers la fin de la révolution française.
La mémoire inconsciente remonte à la nuit des temps, la mémoire consciente ou vivante ne survit que grâce à la méthode du bouche à oreille.
Je pense que les " grandes frayeurs " vécues par l'humanité, en outre d'être gravées dans notre inconscient, sont certainement inscrites dans notre génétique
Parmi les grandes frayeurs qu'ont connues et subies les hommes, outre les catastrophes naturelles, il y a eu et il y a encore les calamités humaines, soit: Génocide, barbarie et acte de terrorisme, ceci à petite ou à grande échelle. Aussi les hommes doivent se rappeler ces faits, se rappeler les victimes, se souvenir d'hommes dignes de ce nom, qui avaient fait ou qui font encore leur, l'honneur et le combat pour la défense de l'homme.
Souvent ce combat a été, et est pour certains, voire combattants de toutes sortes, voire journalistes… un ultime combat.
Ainsi qu'il s'agisse de la mémoire vivante, de la mémoire sauvegardée, le respect engendré par la narration, par la connaissance de grands faits vécus par nos ancêtres, héros ou victimes à l'échelon individuel ou collectif, fait que " Conserver la mémoire " des hommes devient un " Devoir ".
Ce " Devoir de mémoire ", terme moderne, certainement dû à une médiatisation importante des faits qui bouleversent l'humanité, s'il s'adapte tant aux grands évènements collectifs, qu'individuels, ne peut ignorer la cellule familiale. C'est tant mieux, car si la mémoire est une arme contre l'oubli, le devoir de mémoire est une arme de prévention contre toute atteinte à l'homme.
Mais nous pouvons nous demander…. Ce devoir de mémoire, à quelle époque devons nous remonter pour que cela nous apporte une satisfaction morale… !
Il est vrai que le DEVOIR DE MEMOIRE, tel que le terme est entendu comme le vécu de notre collectivité, il faut bien en convenir, ne peut remonter à la nuit dès temps, sauf pour le respect du genre humain en général.
Nous pourrions prendre comme éléments de références, pour en parler en termes forts trois grands faits qui ont marqué nos contemporains, au sens large du terme. Ainsi il y a eu la guerre franco – allemande de 1870, puis la 1ière guerre mondiale de 14/18 et la 2ième guerre mondiale de 39/45.
La dernière guerre est toujours présente dans le cœur des hommes, mais aussi dans leur corps et dans leur mémoire, la 1ière guerre mondiale est encore présente dans le cœur des gens qui ont eu des proches qui ont souffert de cette guerre, ce conflit de 14/18 est aussi présent dans le corps de peu de survivants qui ont souffert dans leur chair de ce conflit, mais aussi cette guerre des tranchées demeure dans la mémoire de beaucoup, pour en avoir entendu tant et tant d'atroces récits.
Quant à la guerre de 1870 contre l'Allemagne, elle s'estompe de notre mémoire vivante, peu de gens ont encore dans le corps et le cœur des cicatrices de ce conflit.
Je pense, sans me tromper, que pour placer dans le temps ce DEVOIR DE MEMOIRE, nous devons nous laisser guider par notre affectif.
On peut aussi déclarer, haut et fort, que, tant que demeurent en vie des gens ayant connaissance de barbarie, de génocide, de terrorisme, à quelque échelle que cela soit, tant que l'homme aura le cœur serré à ces seules évocations, le DEVOIR DE MEMOIRE devra être sollicité.
La MEMOIRE…. c'est le respect des hommes dignes de ce nom qui nous ont procédé, mais c'est aussi une arme contre toute forme de guerre, la mémoire c'est la seule arme qui reste aux hommes quand leur corps est usé par les années et affaibli par l'âge.
Michel SOURIS
RECHERCHES HISTORIQUES SUR UN FAIT DE GUERRE
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En matière de recherches historiques, pour la personne intéressée par ce genre d'investigations, aussi bien dans un but personnel, que collectif, il y a deux possibilités: soit faire des recherches sur des faits s'étant déroulés il y a fort longtemps, cas où il n'y a plus de personnes, encore en vie, pouvant témoigner sur tel ou tel fait, ou alors faire des recherches sur des faits contemporains, voire pour ce qui va suivre, sur la guerre 39/45 thème de cette journée.
Il est évident que pour tout ce qui est antérieur à 1900, il n'y a pas de survivants de cette époque, sauf cas exceptionnels… Contacter alors nos centenaires. Aussi, en ce qui me concerne et pour x raisons j'ai choisi l'époque de la dernière guerre, étant né en novembre 1944, ceci explique peut-être cela.
Comme tous le savent bien, dans nos sites médiévaux ou romains, seules les pierres peuvent s'exprimer, alors j'ai pensé qu'il serait dommage de ne pas conserver la mémoire de nos contemporains, alors que nous avons la possibilité de témoignages directs.
Je vais vous commenter la démarche de mes investigations historiques, relevant principalement de 10 ans d'expérience et ayant rencontré environ 1000 témoins.
Il s'agit ici présentation de méthodes de recherches axées sur le crash de deux avions, après un combat aérien, ce fait de guerre s'est passé en janvier 1944 dans notre Saintonge.
Souvent le point de départ de mes investigations a comme origine une simple phrase sur un fait de guerre, avec, en général, comme simple indication, un lieu-dit, des fois une commune, quelques fois une date, voire une époque de l'année.
Mon intérêt immédiat est de retrouver et de localiser le site du crash, mais pour cela je dois partir en quête de témoins oculaires ou de personnes qui ont de vagues informations. C'est ainsi, que par ces premiers " bouche à oreille " j'en arrive à situer le point de chute de l'appareil, voire que des fois il y a confusion d'avions et qu'un avion, explosant parfois en plein ciel, se retrouve en plusieurs endroits sur le sol.
Puis après la localisation du point de chute, il y a une autre priorité, il me faut rencontrer beaucoup de témoins pour obtenir un maximum d'informations me permettant ainsi d'avoir une vision globale, mais aussi détaillée, de ce fait de guerre. Un maximum d'informations permet aussi une approche assez précise de la véracité des faits.
Il faut considérer que les témoins, en règle générale, sont tous âgés, cela se confirmant de jour en jour, et que, ainsi, va la vie ces hommes et femmes nous quittent un jour où l'autre.
Mon père disait… " Un homme qui meurt, c'est un livre que l'on enterre… " Oui nos anciens, qui nous ont quittés, ont emmené avec eux leur histoire et une partie de la notre…
Dans ces investigations il y a une autre difficulté, à cette époque il y a aussi des mouvements de population, cas de force majeure, mais aussi par le fait de mariages et de changement de région, aussi des témoins de l'époque peuvent aujourd'hui se retrouver à l'autre bout de la FRANCE, voire à l'étranger. Puis il y a eu les changements de noms dus aux mariages.
Mais je reviens sur le point de chute de l'avion.
Avec les premiers témoignages il m'est possible de localiser le point d'impact de l'avion sur le sol, parfois avec des repères décrits par les témoins, faute qu'il ne se rende sur le site avec moi, soit aussi par la découverte immédiate de pièces de l'avion sur le site, l'appareil s'étant souvent brisé au moment de l'impact avec le sol. A savoir que parfois l'avion se retrouve enfoui dans le sol, souvent un champ.
Un autre moyen de repérage est l'empreinte de l'impact de la chute de l'avion au sol, ainsi on constate que la terre est d'une autre couleur ou que la végétation est aussi de couleur différente. Ce dernier détail repose sur le fait que l'avion qui vient de tomber prend feu, l'huile, le carburant brûlent, chauffant la terre, provoquant une transformation accidentelle de la composition de celle-ci.
Par exemple, pour la végétation, quand il s'agit de blé, tige d'une dizaine de centimètres, au cœur du crash le blé sera de couleur verte : jaune alors qu'autour la couleur est normale, soit verte. Cinquante ans après les faits la terre porte encore les traces de combats.
Sur ce site ainsi localisé et dont un relevé de l'emplacement est effectué, un maximum d'éléments matériels de l'avion sont récupérées. Cette récupération a plusieurs buts, à savoir que si la marque et la nationalité de l'appareil ne sont pas encore connus, ces éléments aideront à apporter une réponse. Ensuite en étudiant de plus près les éléments découverts il sera possible d'approcher au plus près des faits, soit connaître certains détails d'avant le crash et au moment de celui-ci. Un intérêt historique non négligeable étant de garder ces pièces comme témoignage pour demain.
Toujours dans le détail historique, certaines pièces sont révélatrices des faits eux-mêmes ou de la chronologie de ceux-ci, pour démonstration voici deux exemples:
Soit nous trouvons des douilles percutées, donc dans ce cas, tir effectué au cours du combat aérien, soit la cartouche est entière, mais aussi déformé par le choc ou qu'elle ait éclaté du fait d'un l'incendie; ces détails sont donc déterminant dans la chronologie des faits. Autre cas, alors que l'avion vient de brûler au sol, des éléments métalliques ont fondu et en refroidissant ils ont enserré dans la matière d'autres morceaux de l'avion, puis aussi cette matière fondue, refroidissant sur le sol a pris l'empreinte du sol, voire de la végétation de l'époque.
Il y a aussi les traces de feu, les traces et le sens de déchirement des éléments de l'avion, ce qui nous donne une idée sur la mort atroce des aviateurs prisonniers dans leur cage de fer.
Au sujet de cette recherche d'indice matériel, il faut toujours avoir à l'esprit qu'au bout de ces métaux déchiquetés et acérés, il y a toujours le sang des hommes, des larmes et certainement des cris et appel au secours.
C'est ainsi que de simples morceaux de tôle, de métal, de plexiglas, ou tout autre matière deviennent témoignage pour notre histoire.
Pour ce qui est des témoignages humains, la situation se complique, car souvent des évènements identiques, d'une manière relative, se sont déroulés dans une même région à quelques kilomètres de distance.
L'intérêt est donc de rencontrer un maximum de témoins, preuve en est que pour le crash du bombardier américain à NIEUL LES SAINTES, j'ai rencontré 70 témoins, et cela a été payant. Un maximum de témoins permettant un maximum d'informations, de détails, mais surtout d'entrecoupement de ces récits.
Avant tout entretien de fond avec un témoin potentiel, il lui est demandé son âge, ainsi que son métier et son domicile au moment des faits. Voir que le témoin nous parle de son environnement familial. Ensuite pour le déroulement logique du témoignage, le témoin se positionne par rapport à ce qu'il a vu, ce qu'il a vécu et qu'il nous indique son occupation au moment des faits. Parfois, je ne l'ai pas toujours fait, il est nécessaire de se rendre sur place, même refaire avec le témoin son parcours au cours du déroulement des faits.
Quant au témoignage proprement dit, il est étonnant de constater, qu'alors que la personne relate le fait qu'elle connaît, elle se transporte à cette époque, se transpose de sa condition actuelle à celle qu'elle avait à l'époque, quelque part on peut dire que le témoin remonte dans le temps, il a le comportement de quelqu'un qui vit l'événement, j'ai vu deux témoins s'effondrer en larme (Ces témoins se trouvaient en 44 sous les bombardements alliés).
Comment expliquer ce comportement ! A mon avis : Premièrement Par le fait de l'extrême jeunesse du témoin au moment des faits.
Deuxièmement: Par le vécu émotionnel d'une extrême violence subi à l'instant des faits.
En fait comme si ces images s'étaient gravées en eux, comme le ferait l'impact d'un flash.
Mais… Ce témoin nous dit-il la vérité, sa vérité, sa vision des choses…. !
Il a pu entretenir, durant 50 ans une vision déformée de son vécu, un mélange de plusieurs faits regroupés en un seul…. Oui c'est certainement possible, mais c'est là que le travail de l'historien intervient, car il s'agit de démêler les informations , de faire des recoupements, etc..
Par contre le témoin mentirait-il par intérêt, vantardise, affabulation, je pense qu'en la matière le mensonge volontaire est rare, car le témoin va au plus profond de lui-même, trouvant aussi une satisfaction de livrer ce vécu aux autres, pour une fois qu'on lui demande, et puis mentir quand il est question de notre vécu, de notre passé, voir notre jeunesse…. Dans quel but !!
Donc je demande au témoin de relater ce qu'il a vu, ce qu'il a vécu et alors je peux avoir affaire, parfois, à deux cas extrêmes, soit le témoin a de gros trous de mémoire, pour différentes causes, bien qu'ayant connu des faits d'une grande violence, soit le témoin, un peu comme le ferait un magnétoscope, fait un récit parfait se déroulant comme un film. C'est le genre de témoin qui fait la joie du chercheur.
Dans cette rencontre avec les témoins, le dialogue n'est jamais le même, en fonction du nombre d'interlocuteurs, l'idéal étant, je le sais par expérience, le témoin et l'enquêteur, voire qu'il peut aussi y avoir un ou deux proches du témoin. Il est évident que l'on peut aussi admettre deux enquêteurs. Il ne faut pas oublier que ce tête à tête avec le témoin est un instant privilégié, intense où le témoin se confie, donc une mise en confiance totale.
Parlons aussi de la discrétion, de la neutralité du chercheur, mais aussi savoir faire faire une pause à la rancœur, à la haine, tout au moins ne pas la faire grandir.
Pour étayer et appuyer ces témoignages, concernant ces faits historiques relatés, il est nécessaire d'aller fouiller les archives, dans les administrations, d'autres familles, dans les pays étrangers, aussi il faut partir sur la trace de survivants pour récupérer leur témoignage sur leur vécu au moment des faits, permettant ainsi de les confronter avec ceux des témoins.
Mais il arrive que la situation se complique, car en temps de guerre, on ne donne pas de noms, on connaît la peur, donc on se cache mais aussi on se tait, on ne note pas les dates…. Certains précisent: c'était aux moissons, c'était aux vendanges, il y avait un beau ciel bleu…..
Et puis, pour ne citer que des combats aériens, rien que dans notre Saintonge, du 31 décembre 1943 au 5 janvier 1944, il y a eu 4 bombardiers US et 4 chasseurs allemands abattus. Une dizaine d'aviateurs US et deux aviateurs allemands ont été tués, il faut aussi compter dans le ciel une vingtaine de parachutistes, rien d'étonnant que pour les témoins il puisse y avoir eu confusion.
C'est là que l'intervention de l'historien chercheur est utile, car il aide les témoins à y voir plus clair dans ce qu'ils ont vu, en effet celui-ci a une meilleure vue d'ensemble que les témoins, sans risques de balles ou de bombes…
Pour en conclure avec cette argumentation sur la recherche historique contemporaine, je précise que tous les témoignages recueillis sont notés et après, mises en forme, sont déposés aux différentes Bibliothèques, ainsi qu'à la Société d'histoire locale, souvent sous forme de recueils ou de livres, pouvant être aussi obtenus par les particuliers gratuitement
Pour revenir au DEVOIR DE MEMOIRE, il arrive que sur les lieux des crashs d'avions des stèles soient érigées, que des rues portent les noms des acteurs victimes de leur devoir.
En ce qui me concerne j'ai apporté ma contribution à l'érection de 2 stèles, sur les sites suivants: ECURAT, crash d'un avion de la ROYAL AIR FORCE le 22 juillet 1944, NIEUL LES SAINTES, crash d'un Bombardier de l'US Air Force le 5 janvier 1944. La stèle de NIEUL LES SAINTES a été inaugurée en janvier 2001 en présence du fils du Capitaine Charles Donald COLE, mort héroïquement pour la FRANCE sur cette terre de Saintonge.
Mais il ne faut pas s'y tromper, derrière cette stèle ou une autre, borne du temps, au-delà de la plaque, au delà du Capitaine COLE, il y a ces centaines de milliers d'hommes et de femmes victimes d'un système barbare et totalitaire, ou tous les autres héros ordinaires d'un gigantesque conflit.
Je souhaite que la prochaine stèle, qui sera érigé, soit une pierre de la Mémoire pour construire la Paix de demain.
Michel Souris – 2002
Argumentation présentée et débattue devant l’ensemble des élèves techniciens de l’armée de l’air (EETAA 722 – Saintes 17) le 23 mars 2002