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20 - Témoignage.. Noël Rateau raconte son vécu en 39/45. Saintes et l'enfer... 24 juin 1944

Publié le par culture-histoire.over-blog.com

La nuit du 24 juin 1944

120 bombardiers alliés, des avions " Lancaster "

bombardent Saintes.

Noël Rateau, fils d'un exploitant agricole, avait 24 ans, il demeurait au centre de la cible des alliés, mais ici vous est présenté son témoignage complet sur " son " vécu, certes c'est ce qu'il a pu se rappeler et me raconter entre 1991 et 1996. 

En 1996, au cours de ma seconde visite d'investigations sur l'exploitation agricole, j'étais venu accompagné par un journaliste de Sud Ouest. Mais avant de vous présenter l'article, voici son témoignage " in extenso ", bien sûr je n'ai pas eu le droit de changer un seul de ses propos.

En 1996, au cours de ma seconde visite d'investigations sur l'exploitation agricole, j'étais venu accompagné par un journaliste de Sud Ouest. Mais avant de vous présenter l'article, voici son témoignage " in extenso ", bien sûr je n'ai pas eu le droit de changer un seul de ses propos.

Rateau Noël – 1919 / 2016

39/45 : rue de Lormont (Exploitation agricole)

1991 -12/5/1994 - 30/7/1996: Même adresse

Expoitant agricole

1 Train allemand et femmes galantes - Saintes

Un train allemand avait été garé pendant longtemps sur la route de Taillebourg, face à la maison Déromas (La dernière sur la gauche avant la station d'épuration moderne). Il y avait une dizaine de wagons. Des femmes de Saintes, pas des prostituées, venaient dans ce wagon.

2 Mitraillage du pont de Lormont – Tunnel – 18/4/1943

Une nuit, un avion a mitraillé vers le pont de Lormont, en alignement de la gare de Saintes, tirant en enfilade sur un train. Un garde civique qui se trouvait sur le pont a été blessé au pied par une balle. Les jours suivant ce mitraillage j'ai trouvé de nombreuses douilles de 20 mm. Elles étaient percutées et étaient marquées « 20mm 1941 ↑ ».

L'avion venait de Saint-Savinien. Suite aux blessures du garde civique, on était venu chez moi pour appeler l'hôpital. En effet mon téléphone servait souvent au voisinage (Rateau Elisée – propriétaire. Route de Lormont. N° 3.27). Ainsi l'ambulance était venue chercher le blessé, en attendant il s'était assis sur mes marches d'escalier, dans la maison. Cet homme habitait rue arc de triomphe. ( - - > dossier). Voir photo des douilles.

3 a) D.C.A au-dessus de mes terrains « Le Chaillot »

Les Allemands avaient installé une DCA en haut de mes terrains au lieu nommé « Le chapeau », sur les hauteurs du « Chaillot ». De l'autre côté d'un petit chemin, à 8 pas, un petit chêne et derrière la pièce d'artillerie (*). Plus loin sur la droite la zone des projecteurs aériens. (Que l'on peut certainement apercevoir sur une photo aérienne du 13 aug 44, un point noir carré... DCA ou projecteur.. M.S). J'avais ma « Ponette », jument, qui avait un clos et les Allemands en avaient enlevé la clôture.

Dans le chemin qui partait de ma ferme, montant vers cette pièce de DCA, sur la gauche il y avait un gros chêne et les occupants y avaient installé un poste de guet. Il était composé d'une petite cabane, dans les branches, avec un petite table à l'intérieur. J'ai toujours conservé les bois de cette cabane dans mes dépendances.

En fait cela aurait été mis en place avant le bombardement de juin, puis mis ailleurs ensuite... ! Après le départ des Allemands j'avais récupéré un culot de gros projecteur qui m'avait servi d'abreuvoir. En fait les Allemands n'avaient emmené que les armes. Un autre voisin, M. Dinand, avait récupéré une caisse à outil oublié par les allemands. Les gens du coin s'étaient bien servis dans ce qui était resté.  (*) Ce chemin aurait déjà servi aux Romains pour le transport des pierres vers les aqueducs (Du témoin)

b) D.C.A dans la prairie – Face au château Rouyer Guillet 

En venant par le boulevard Guillet Maillet, on prenait à droite et on suivait le chemin qui menait aux « Bains Cassin ». Au milieu du terrain situé en bordure de la Charente, on trouve encore 2 ou 3 trous qui signalent l'emplacement de la DCA. Autour il y avait eu des trous d'hommes. Je connais bien cet endroit car je venais y labourer.

4 Les alertes avions

Il y avait souvent des alertes, mais nous nous étions avertis par un voisin qui travaillait sur le triage SNCF.

5 Des particuliers de Saintes et les jardins au « Chaillot »

Vers 1944, une religieuse de l'école Marie-Eustelle (Rue St Pallais) venait faire un jardin entre le C.F.D et les hauteurs du « Chaillot ». C'était sœur Hélène. (Cette sœur était aussi infirmière et visitait les détenus de Saintes / Autrefois la ferme du « Chaillot » avait appartenu à des religieuses... M.S)

6 Passages d'avions sur Saintes – Vers le 22 juin 44

Ce devait être dans la matinée et j'arrivais en vélo de Saintes ou de la prairie. Je me trouvais à la hauteur de la maison Déromas Albert (n° 71) sur la route de Taillebourg. C'est alors que j'avais entendu les avions et j'avais été me cacher dans l'entrée du dépôt d'essence « TOTAL ». Cette journée-là il faisait beau .

  • Peut-être ce même jour : M. Rouyer qui travaillait dans un champ de betteraves qui m'appartenait, avait vu, lui aussi, passer deux avions au-dessus de lui. Ce champ appartient de nos jours à Danielle Berry qui y a fait construire sa maison. Sur la route en haut du « Chaillot », parallèle à la route de Lormont, au-dessus la piscine.

7 Heurt de deux avions allemands et crash de l'un d'eux

 

Cette journée-là, c'était le matin, je me trouvais devant ma maison de la route de Lormont, quand j'ai vu 3 avions allemands en formation, ils se sont heurtés. Les avions arrivaient de la direction de Royan (relatif) et l'un d'eux était alors tombé vers Bussac sur Charente, les autres je en sais pas.

Crash aux dossiers « Crash d'un avion allemand à La métairie de Madame - Saintes »

« Un avion allemand se pose sur le ventre à Bussac sur Charente »

8 Mitraillage à Chaniers et mort du cultivateur « Nadeau »

J'avais été requis pour faire les « 6 jours » en compagnie de Simonnet, pour creuser des trous d'hommes le long de la voie ferrée vers Chaniers.

C'est alors qu'un avion était arrivé et avait mitraillé un train de marchandises qui était stoppé entre Chaniers et « La baine » (Moulin). Un laboureur, Nadeau, a été tué au cours de ce mitraillage, c'était mon mouchoir qui lui avait servi de premier garrot, il avait été touché à environ 50 mètres de la voie ferrée. Ses bœufs étaient alors partis au galop, mais l'un d'eux avait été touché (A la cuisse...M.S). Voir le dossier « Mitraillage et mort d''un cultivateur à Chaniers »

9 Mitraillage sur la gare SNCF

Une journée, alors que je discutais avec A.Déromas (âgé de 84 ans en 1994), j'étais chez lui, nous avons entendu un avion qui mitraillait la gare.

10 Bombardement de Saintes - 14/8/1944

Il faisait très beau. Je me trouvais dans la prairie « Prée basse », quand une dizaine d'avions est arrivée de la direction de la « Métairie de Madame » (Nord ouest). Puis il a eu la chute des bombes. Je suis parti rapidement en vélo, me retrouvant rue de l'aubarrée, mais sans savoir pourquoi... !

11 Bombardement de Saintes – 24/6/1944

Huit jours avant ce bombardement il y avait eu un largage de serpentins argentés, système de brouillage des radars allemands.

Une heure avant le bombardement de Saintes il y avait eu l'éclairage et le bombardement sur Saint-Savinien.

Avant le bombardement nous avions fait un abri dans notre terrain. C'était un gros trou et nous l'avions recouvert de poutres, il était situé juste derrière le gros chêne à gauche du chemin qui montait, cet arbre était à environ 100 mètres de la route. Mais nous n'y sommes jamais descendus, en effet on s'était sauvé dans les bois de « Montpensé » et d'où je me trouvais j'avais bien vu les avions qui descendaient en piqué. Cette nuit-là, la DCA, qui se trouvait sur les hauts de mes terrains au « Chapeau » n'avait pas tiré.

Après ce bombardement, le pont du CFD, qui avait été détruit, a été remis en état. (Certainement le pont enjambant la voie ferrée... M.S)

Ainsi notre jument « Ponette » était venue se tuer sur le mur arrière de notre maison, elle était devenue comme folle, elle avait aussi eu un éclat dans la cuisse.

Nous avions des voisins, toute une famille qui demeurait vers le pont, qui ne partaient jamais aux alertes, mais cette nuit ils s'étaient tous sauvés vers le C.F.D et ils ont tous été tués. Il s'agit de la famille Filias (Voir le plan). La famille Guérit, face à Dinand, qui s'était réfugiée dans une fosse, plus haut que « Le Chaillot » a été décimée.

Suite à ce bombardement nous avions été nous réfugier dans la famille à « La grève », du 24 juin au mois de décembre. Notre maison était devenue inhabitable du fait de détériorations par le bombardement et de la chute de grosses mottes de terre.

Dans notre jardin nous avons trouvé un gros crochet, avec 4 anneaux (Voir photo avec Antoine Rateau). Elle mesurait environ 50 cm. (En 1994 toujours là...accroché au mur... M.S)

Dans les jours qui ont suivi ce bombardement, des bombes neutralisées avaient été déposées sur le bord de la route de Lormont. Sur mes trois terrains il aura été trouvé environ 70 trous de bombes. Près du poirier une bombe de 800 kg avait été découverte. Voir les photos avec les prisonniers allemands (Certainement près du poirier... M.S)

Notes : Bien après la guerre, M. Rateau, suite à mes investigations, s'était rappelé d'une bombe enfouie et qui n'avait jamais été déterrée. Il avait vu le trou fait par celle-ci en 1944, à cette époque c'était de l'avoine dans le champ. Comme ces trous se retrouvent aussi ailleurs quand la bombe s'enfonce dans le sol. Sachant que la bombe avait peut-être migré en une autre direction, selon la nature du sol et la saison, se retrouvant à plusieurs mètres de son trou de pénétration. (Voir le dossier et le courrier à la mairie)

- → Attention sur le plan certains positionnements, essentiellement.... le poirier, et les zones.. « Bombes » « D.C.A » « Projecteurs », pourraient être relatifs. 

12 Barillaud le cheminot – Roulant

(Louis) Barillaud, un roulant de la SNCF, demeurait alors route de Lormont, au 102 actuel.

*

Entretien / interview de 6/1994, en présence du journaliste de « Sud-Ouest », Gérard Vallet

(Voir son article du 23/6/1994)

Pièces jointes :

Dessins, plans et croquis : Eclats de bombes, fragments de métal, plan site et croquis.

Les photos :

Le petit-fils de Noël Rateau, Antoine, tenant une chaîne de liaison entre deux wagons.

Le père de Noêl Rateau, Elisée, devant la bombe non explosée de 800 kg, il est devant le poirier cité sur le plan, celui-ci était certainement plus près de la route que sur la photo, en rapport avec la ligne électrique moderne (H.T).

Des démineurs allemands, prisonniers de guerre, souvent requis pour ces opérations à risques, toujours avec la même bombe et le poirier à l'arrière.

Constat des trous de bombes par le géomètre Guillet, le 7/2/1945

Constat et validation des trous de bombes par l'huissier Lorne, le 12/7/1945

Courrier de 1998 au maire de Saintes pour signaler la présence d'une bombe encore en place, parcelle AK 57 / AK 242.

Plan général du « Site Rateau »

Plan localisation de la bombe encore enfouie.

Croquis de 3 éclats de bombes, 

Saisie du 19/5/2020 

 

Les photos présentées ici m'avaient été confiées par Noël Rateau.  Le plan général, refait au propre en ces jours, est un condensé de divers petits croquis réalisés sur le terrain avec le témoin.
Les photos présentées ici m'avaient été confiées par Noël Rateau.  Le plan général, refait au propre en ces jours, est un condensé de divers petits croquis réalisés sur le terrain avec le témoin.

Les photos présentées ici m'avaient été confiées par Noël Rateau. Le plan général, refait au propre en ces jours, est un condensé de divers petits croquis réalisés sur le terrain avec le témoin.

Après la guerre, les mairies étaient partenaires avec le département et le ministère de la reconstruction, ceci en vue d'indemniser toutes les victimes. Aussi Noël Rateau avait eu recours à un huissier et à un géomètre pour l'inventaire des dommages dans ces champs par les explosions des bombes.
Après la guerre, les mairies étaient partenaires avec le département et le ministère de la reconstruction, ceci en vue d'indemniser toutes les victimes. Aussi Noël Rateau avait eu recours à un huissier et à un géomètre pour l'inventaire des dommages dans ces champs par les explosions des bombes.

Après la guerre, les mairies étaient partenaires avec le département et le ministère de la reconstruction, ceci en vue d'indemniser toutes les victimes. Aussi Noël Rateau avait eu recours à un huissier et à un géomètre pour l'inventaire des dommages dans ces champs par les explosions des bombes.

Les dommages humains, immobiliers étaient pris en compte comme dommages de guerre, mais le cheptel n'était pas laissé de côté..... La jument " Ponette ".....
Les dommages humains, immobiliers étaient pris en compte comme dommages de guerre, mais le cheptel n'était pas laissé de côté..... La jument " Ponette ".....

Les dommages humains, immobiliers étaient pris en compte comme dommages de guerre, mais le cheptel n'était pas laissé de côté..... La jument " Ponette ".....

Je détiens des photos prises dans les jours qui ont suivi de bombardement dit " De la St Jean ", l'une récupérée aux USA et une autre en Angleterre, ci-après une des photos aériennes a été prise le 13 aug (août) 1944 par les Anglais. On peut nettement voir dessus les cratères des explosions des bombes, localisés autour du site  " Noël Rateau "

Je détiens des photos prises dans les jours qui ont suivi de bombardement dit " De la St Jean ", l'une récupérée aux USA et une autre en Angleterre, ci-après une des photos aériennes a été prise le 13 aug (août) 1944 par les Anglais. On peut nettement voir dessus les cratères des explosions des bombes, localisés autour du site " Noël Rateau "

On peut penser qu'environ 600 bombes sont tombées cette nuit-là sur la ville de Saintes... 22 minutes pour 35 tués. Mais il y avait aussi les bombes à retardement et celles qui s'étaient enfouies sans exploser, alors le service de déminage était intervenu, se faisant aider, du fait des risques,  par des prisonniers allemands.
On peut penser qu'environ 600 bombes sont tombées cette nuit-là sur la ville de Saintes... 22 minutes pour 35 tués. Mais il y avait aussi les bombes à retardement et celles qui s'étaient enfouies sans exploser, alors le service de déminage était intervenu, se faisant aider, du fait des risques,  par des prisonniers allemands.

On peut penser qu'environ 600 bombes sont tombées cette nuit-là sur la ville de Saintes... 22 minutes pour 35 tués. Mais il y avait aussi les bombes à retardement et celles qui s'étaient enfouies sans exploser, alors le service de déminage était intervenu, se faisant aider, du fait des risques, par des prisonniers allemands.

Mais de nos jours encore, des bombes non explosées se trouvent dans notre sous-sol, essentiellement dans la zone de Lormont (peu-être aussi " Courbiac "), voir sur les hauteurs du " Chaillot ". Pour les zones de bombardement en centre ville, ce fut le cas en quatre points, ce serait exceptionnel. Noël Rateau avait contacté, par mon intermédiaire, le service de déminage (certainement via aussi la ville de Saintes...!) mais cette demande était restée sans suite. Pourtant la bombe du " Chaillot " est probablement toujours enfouie.

Mais de nos jours encore, des bombes non explosées se trouvent dans notre sous-sol, essentiellement dans la zone de Lormont (peu-être aussi " Courbiac "), voir sur les hauteurs du " Chaillot ". Pour les zones de bombardement en centre ville, ce fut le cas en quatre points, ce serait exceptionnel. Noël Rateau avait contacté, par mon intermédiaire, le service de déminage (certainement via aussi la ville de Saintes...!) mais cette demande était restée sans suite. Pourtant la bombe du " Chaillot " est probablement toujours enfouie.

Je tiens, en ces pages, à remercier Noël Rateau pour son témoignage. Bien sûr aussi son fils qui m'a autorisé à le reproduire ici. L'histoire n'est jamais finie, en effet le site de l'exploitation agricole et toute sa périphérie conserve encore des traces de des terribles faits de 39/45. Chacun des paragraphes du témoignage ouvre encore sur d'autres dossiers......  Mais pour la petite histoire... paragraphe 1 et femmes galantes, voici l'endroit où stationnait le fameux train allemand, sur la ligne du C.F.D.

Je tiens, en ces pages, à remercier Noël Rateau pour son témoignage. Bien sûr aussi son fils qui m'a autorisé à le reproduire ici. L'histoire n'est jamais finie, en effet le site de l'exploitation agricole et toute sa périphérie conserve encore des traces de des terribles faits de 39/45. Chacun des paragraphes du témoignage ouvre encore sur d'autres dossiers...... Mais pour la petite histoire... paragraphe 1 et femmes galantes, voici l'endroit où stationnait le fameux train allemand, sur la ligne du C.F.D.

20 - Témoignage.. Noël Rateau raconte son vécu en 39/45. Saintes et l'enfer... 24 juin 1944
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